25 mars 2022

Déséquilibre significatif dans les contrats commerciaux : attention à la clause d’intuitu personae.

La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt sévère quant au sort des clauses d’intuitu personae dans les contrats de franchise.

La Cour d’appel de Paris a condamné le 5 janvier 2022 deux franchiseurs d’un réseau de restauration rapide, le premier ayant cédé son activité au second, à régler une amende civile de 500 000 €, sanctionnant le déséquilibre significatif au détriment des franchisés de certaines clauses du contrat de franchise (CA Paris, 5 janvier 2022, RG n°20/00737).

Trois pratiques étaient plus spécifiquement visées.

Il s’agissait tout d’abord d’une clause de résiliation stipulée au seul bénéfice du franchiseur et avait des effets lourds pour le franchisé en matière de clause pénale. La décision de la Cour est relativement classique, ce type de clauses étant habituellement considérées comme déséquilibrées.

Il s’agissait encore d’une pratique d’approvisionnement forcée auprès d’une centrale d’achat, affiliée au franchiseur, pratiquant des prix supérieurs aux prix du marché, dont on peut concevoir aisément le caractère déséquilibré.

Il s’agissait, enfin, de l’existence d’une clause d’intuitu personae pesant sur le seul franchisé.

Sur ce point, la décision de la Cour fait peser une incertitude sur le sort des clauses d’intuitu personae unilatérales.

En effet, dans l’absolu, il semble tout à fait compréhensible en matière de franchise que l’intuitu personae porte sur la personne du franchisé uniquement.

Ce dernier est sélectionné en fonction de ses qualités et compétences pour exploiter le concept du franchiseur. Il est en lien avec la clientèle et a donc une grande influence dans l’image de marque de la franchise.

La personne du franchiseur, une fois le contrat conclu, semble moins importante pour le franchisé, qui l’a surtout sélectionné pour son concept.

Ainsi, en cas de modifications affectant la personne du franchisé, le franchiseur peut craindre une perte de compétence et que l’image de sa marque ne soit plus correctement représentée auprès de la clientèle.

Au contraire, l’essence du contrat de franchise, qui oblige le franchiseur à mettre à disposition son concept et l’assistance requise, protège le franchisé, quelle que soit la personne du franchiseur, pendant toute la durée du contrat.

La Cour retient toutefois deux arguments distincts.

Le premier critique le caractère imprécis de la clause litigieuse. Cette dernière ne définissait pas clairement les cas des modifications affectant la personne du franchisé qui devaient faire l’objet d’un agrément préalable du franchiseur.

Ainsi, « tout projet ayant une incidence » sur le franchisé devait être dénoncé.

Cette imprécision étant source d’insécurité juridique pour le franchisé, le raisonnement de la Cour peut s’entendre.

Il sera donc recommandé de viser précisément dans la clause ce qui constitue une modification affectant la personne du franchisé : perte de majorité ou de contrôle d’un associé en particulier, changement de dirigeant, départ d’un salarié clef, etc.

Le second argument reposait essentiellement sur le caractère unilatéral de la clause.

Si le caractère unilatéral d’une clause constitue effectivement un indice de son caractère déséquilibré, il n’en demeure pas moins que ce seul fait n’est pas suffisant pour caractériser le déséquilibre significatif.

Or, comme rappelé ci-avant, la personne du cocontractant n’a pas nécessairement la même importance pour le franchiseur que pour le franchisé.

Ainsi, lorsque la Cour affirme que le changement dans la personne du franchiseur pourrait bouleverser l’économie du contrat pour le franchisé, l’argument ne convainc pas tout à fait, l’économie du contrat étant assurée par la force obligatoire des conventions.

Il semble que le contexte particulier du cas présenté à la Cour ait pu avoir une influence sur cette motivation, dans la mesure où il s’agissait en réalité du rachat d’un réseau de franchise par un concurrent, qui avait pour projet de faire passer les franchisés sous sa propre enseigne.

Le caractère général de la motivation de la Cour laisse toutefois peser une incertitude sur le sort des clauses d’intuitu personae unilatérales.

La Cour de cassation a été saisie. Le contrôle approfondi qu’elle exerce en la matière nous donnera sans doute un éclairage appréciable sur le sort de ces clauses habituellement insérée dans de nombreux contrats commerciaux.

La complexité de la matière nécessite en tout état de cause une attention particulière dans la rédaction des contrats. Nous pouvons vous assister dans cette rédaction.

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Walter & Garance Maître Baudry

Stéphanie Baudry

Avocat Associé

Stéphanie Baudry exerce son activité au sein des départements du Droit commercial, Procédures Collectives, Contentieux des Affaires, Droit des obligations […]

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Christopher Sona exerce son activité au sein des départements Droit commercial, Procédures collectives, Propriété intellectuelle et Droit des obligations. Titulaire […]